« Il faut ouvrir les portes du passé de temps en temps, car cela apporte certaines réponses à l’instant présent. »

Fouad Ftouki

Cela remonte à fort longtemps, au temps où la perle du Sahel d’aujourd’hui était sous le règne aghlabide et connue sous le nom de « Hadrim » que l’enceinte actuelle des remparts de Sousse a été édifiée. Selon une inscription trouvée sur la muraille sud, les remparts ont été construits en 859.

Sous ses immenses remparts couronnés de merlons, pas moins de six grandes portes historiques permettent l’accès en son sein de la médina. Des portes connues de tous, mais dont la majorité des Soussiens ignorent encore leurs noms et leurs histoires.

Quelle est l’histoire de ses portes ? Quelles sont les origines de leurs noms ? Et pourquoi ont-elles été construites là où elles sont ?

Histoire et fondation des portes actuelles de la médina de Sousse

Compte tenu des guerres ancestrales, meurtrières et parfois dites modernes, la construction des trois premières portes était inévitable, à savoir celle de Bab el gharbi, Bab el bhar et Bab jedid.

Bab El Gharbi

Bab el gharbi – Sousse médina
Bab el gharbi – Sousse médina

Bab el gharbi est l’une des plus anciennes portes, elle fut percée dans les remparts de la médina de Sousse sous le règne de la dynastie aghlabide.

Autrefois, elle portait le nom de « porte du camp », car elle donnait systématiquement sur le périmètre du camp militaire français. Mais “Bab el gharbi” tire son nom actuel du fait qu’il donne sur le côté ouest de la médina.

C’est l’une des portes les plus importantes de la médina. Elle assurait la liaison entre l’agglomération urbaine et l’arrière-pays soussien. Elle a acquis à travers les âges une fonction stratégique en remplissant la fonction d’un fortin défensif. On trouve d’ailleurs juste derrière le rempart une petite porte qui donne accès aux gardes.

Bab el gharbi ouvre directement sur l’un des souks les plus typiques de la médina de sousse “Souk el caid”. Elle est à proximité de la kasbah et du musée archéologique de Sousse.

Bab El Bhar

Bab bahr – Sousse médina
Bab bahr – Sousse médina

Bab el bhar a été conçue principalement pour le transport de marchandises et essentiellement pour alimenter les marchés. Cette porte se trouve au nord de la médina, elle donne directement sur la mer d’où l’origine de son nom “Porte de la mer”.

La porte de Bab Bahr fut détruite pendant la 2éme guerre mondiale en 1942.

La porte de Bab Bhar n’existe plus, elle a été complètement détruite lors des bombardements alliés visant à repousser et à faire reculer les Allemands et les Italiens. Le port et tout ce qui se trouvait aux alentours ont été dévastés.

Actuellement, c’est l’entrée la plus connue pour accéder à la médina, elle se trouvait à proximité de Soula Centre juste à côté de la Place de Sidi Yahya.

Il est également important de noter que juste à côté se trouvait “la porte de France” qui a elle aussi été détruite. On l’appelait ainsi, car elle donnait sur le port de sousse ou était accoster les navires français. Cette porte été donc en quelque sorte le point de départ vers la France.

Bab Jedid

Bab jedid – Sousse médina
Bab jedid – Sousse médina

La porte de Bab Jedid a été construite sous l’ordre du gouverneur de Sousse, le général Rashid en 1848. Elle se trouve du côté Est de la médina, mais celle-ci n’existe plus actuellement.

Selon plusieurs sources, cette porte a été détruite par le protectorat Français afin de faciliter l’accès à la médina vu que les portes étaient fermées durant chaque après-midi vers l’horaire d’al asr, et que celle-ci donnait directement sur la plage vers 1890. À cette époque, la porte portait également plusieurs carreaux colorés.

Aujourd’hui, nous pouvons encore apercevoir deux grands trous verticaux dans les deux murs qui permettaient d’ouvrir et de fermer les portes.

Cette porte se trouve juste à côté du marché de poisson de la médina, elle donne également accès à Souk Errbaa.

S’ensuivent après, la construction de trois autres portes, Bab el Qibli « la porte orientale », Bab el Jebli qui date de la fin du 19éme siècle et enfin Bab el Fingua connue sous le nom de « porte de la potence ».

Bab El Qibli

Bab el qibli – Sousse médina
Bab el qibli – Sousse médina

Cette porte donne sur le côté sud, on l’appelait également “Porte de kairouan” vu qu’elle mène vers la ville de Kairouan.
Elle se trouve à proximité du théâtre en plein air de sidi dhaher et de la casbah, non loin de jabbenet el ghorba.

Parmi ses caractéristiques, on retrouve l’étoile et le croissant des deux côtés.

C’est également la porte qui donne un accès direct à la mosquée Bou ftata; une des plus anciennes mosquées de la ville de Sousse qui a servi de modèle pour la Grande Mosquée de Sousse, la mosquée de la Kasbah et la mosquée Zitouna.

À côté de Bab el qibli se trouvait également “Bab Laamirine”, qui a été enlevé dans les années 80 afin de construire le théâtre de Sidi Dharher.

Bab Laamirine - Sousse médina
Bab Laamirine – Sousse médina

Bab El Jebli

Bab el jebli – Sousse médina
Bab el jebli – Sousse médina

Bab el jebli se trouve au nord, en face du lycée de garçon et de la station de louages actuelle. Elle donne accès au musée Dar Essid ainsi qu’au ribat de Sousse.

C’est également la porte d’accès idéale pour visiter Zaouia Zakkak.

Bab El Fingua

Bab el finga – Sousse médina
Bab el finga – Sousse médina

Cette porte a été rouverte par le protectorat français en 1892 afin de pénétrer plus rapidement au cœur de la médina en cas de besoin, vu que durant la période de colonialisme, il y avait des mouvements de résistance assez souvent.

Cette porte était appelée “La Porte Ouest” par les Français, mais les Italiens qui ont construit cette porte lui ont donné le nom de “Porta del fìngere”. Finga est donc un mot italien qui veut dire “faire semblant” et qui est en quelque sorte une moquerie envers les Français qui ont donné exactement le même nom à cette porte qu’à celle de bab el gharbi qui était déjà connue par tous les habitants comme étant “La Porte Ouest”.

Bab el finga se trouve à environ 100 mètres de la porte de Bab el Gharbi. Celle-ci est surtout connue par les locaux comme étant la porte d’accès des maisons closes de la ville qui étaient dédiées à la prostitution légale, et ce, depuis l’époque du protectorat Français. Ces maisons closes étaient d’ailleurs fréquentées par les soldats de la caserne construite à quelques mètres de Bab el finga.

Les maisons closes de Bab el finga ont été fermées en 2011, suite à plusieurs attaques par des extrémistes.

La disposition stratégique des portes de la médina

Rien n’a été conçu au hasard, chaque ouverture de portes débouchait sur un endroit stratégique et étaient, parfois toutes, gardées par des factionnaires armés.

Du Nord au Sud, en passant par l’ouest et l’est, la grande cité était toujours exposée principalement au danger venant principalement de la mer qui dégageait essentiellement l’air de la piraterie.

Une architecture côtière militaire se doit de protéger ses citoyens en veillant sur la sécurité de la cité ainsi qu’au bon déroulement des opérations de l’approvisionnement.

Certaines portes étaient conçues d’une façon très robuste, parfois ornées de belles pierres certes, mais essentiellement pour assurer une bonne défense et repousser n’importe quelle percée.

Tandis que d’autres, pour assurer l’acheminement des vivres, à l’opposé de la zone côtière et permettait aussi, la pénétration des militaires au sein de la médina.


Malgré l’inscription de la médina de Sousse au patrimoine mondial de l’UNESCO. Celle-ci n’est pas du tout mise en valeur. Nous n’avons trouvé aucune pancarte ni aucune information à propos du nom des portes ou de l’année de leur construction, sauf à Bab el gharbi où il y avait un panneau informatif.

La municipalité de Sousse devrait mettre encore plus en avant notre patrimoine comme ce fut le cas à la médina de Tunis où nous trouvons des pancartes informatives sur chaque site historique. Ceci est la moindre des choses car nous pouvons aussi essayer de rebatir à l’identique les portes qui ont étés détruites, comme celle de Bab Bhar par exemple. Cela rendrait les remparts de la medina encore plus impressionnants !

Lors de notre balade à la médina, nous avons également remarqué des graffitis sur les murs, des bâches d’anciens événements, des débris aux chevets de certaines portes, des vendeurs à la sauvette qui gâchaient la beauté des lieux.

Nous trouvons ça dommage que de si beaux sites historiques restent si mal exploités dans un pays qui se dit être une destination touristique.

A lire aussi sur Sousse Made :
Les légendes d’El Hajra El Maklouba de Sousse

Write A Comment